Abandonnés dans la forêt noire, au terme d’une laborieuse journée de ski à travers l’épaisse poudreuse qui recouvre la taïga sibérienne, nous commençons à émettre des doutes sur nos capacités à survivre à cette épreuve.
Près d’une heure après qu’Anton nous a laissé, nous apercevons au loin une lumière qui s’agite en tous sens. « Quel con ! », s’exclame Cédric, « Il n’a pas trouvé la cabane ». C’est alors que la voix désolée d’Anton nous parvient et confirme notre triste intuition. Lorsqu’il nous rejoint, Anton tente de se montrer rassurant. Il a cherché en vain, jusqu’à ce que ses propres traces le déroutent et que la fatigue l’affaiblisse. Il lui faut seulement reprendre des forces et se réchauffer un peu et il trouvera la cabane, c’est sûr. Je commence à avoir du mal à le croire, mais je n’ai pas d’autre choix que lui faire confiance. En quelques minutes, il rassemble des branchages et brindilles et allume un feu dans la neige, puis nous donne des instructions en avalant de grosses poignées de cacahouètes.
Cédric est chargé d’aplanir avec ses skis un petit espace neigeux et d’aller scier des branches de sapin pour l’en recouvrir. Cela nous permettra de nous asseoir confortablement. Quant à moi, ma mission est d’alimenter le feu et d’y faire fondre une grande casserole de neige pour préparer un thé sucré qui nous remettra d’aplomb. Alors qu’Anton repart à la recherche de la cabane, nous avons la vive impression qu’il nous prépare peu à peu à passer la nuit dehors, mais nous exécutons ses ordres sans broncher. A nouveau actifs, nous nous réchauffons peu à peu, et ne voyons pas passer l’heure qui nous sépare du retour d’Anton, porteur d’une bonne nouvelle. Il a trouvé la cabane, à seulement quinze minutes de l’endroit où nous nous trouvons. Nous quittons notre camp de fortune soulagés et rejoignons la cabane pour un mauvais dîner de nourriture en conserve, dont nous savourons pourtant chaque bouchée. Nous nous endormons ce soir-là d’un sommeil de plomb.
Le moindre mouvement réveille des douleurs dans chacun de mes muscles, certains dont je ne soupçonnais pas l’existence.
Le lendemain matin, mon corps tout entier n’est que maux. Le moindre mouvement réveille des douleurs dans chacun de mes muscles, certains dont je ne soupçonnais pas l’existence. Lorsque je tente de me lever, je réalise que mon genou droit, celui qui me faisait tellement souffrir lors de la traversée du lac, ne répond plus. Impossible de lever ma jambe. Si l’on se fie à notre programme, nous devons ce matin reprendre la route du retour sur le chemin parcouru la veille. D’un commun accord avec Anton et Cédric, qui accusent également le coup de l’interminable journée précédente, nous décidons de ne pas repartir aussitôt, mais de passer une nuit de plus dans la même cabane, et prendre ainsi le temps de se reposer. Ils font tous deux quelques escapades dans les contrées environnantes sous un ciel désormais bleu azur, pendant que je me plonge dans la lecture de « Cent ans de solitude », dans la chaleur de la cabane.
Le lendemain matin, si ma jambe droite semble revenir progressivement à la vie, mon corps est toujours endolori. Nous quittons la cabane avant le lever du soleil, lampes au front, et je ne fais pas la fière à l’idée de devoir parcourir en une seule journée les trente kilomètres avalés au cours des deux premiers jours. Pourtant, le trajet se révèle particulièrement agréable, à la lumière du doux soleil de Janvier, et la progression facile, dans les traces que nous avons laborieusement creusées l’avant-veille. Pour la première fois, nous profitons pleinement du paysage magnifique qui nous entoure, des montagnes bleutées aux rivières gelées. C’est au terme d’une longue et belle journée que nous atteignons enfin le gîte où nous avions démarré notre périple, et savourons les joies de retrouver une douche et un lit.
Lorsque j’écris ces lignes, plusieurs semaines après le trek, je repense avec nostalgie à cette folle aventure, et à ces souvenirs aux couleurs de la forêt enneigée.
Waouh, mais quelle aventure...!!
D'habitude, je ne suis pas fana de fiction, mais là j'ai lu cette histoire avec plaisir. Perso, j'aurais ajouté un ours quelque part, mais c'est pas mal comme c'est déjà.