Le projet

Il y a quelques temps, j’ai retrouvé un email daté de Novembre 2011, dans lequel j’avais envoyé à Mimi une photo d’une maison de bois au milieu d’une forêt, avec la mention « Tu crois qu’on pourra habiter là après notre tour du monde ? ».

Quatre ans. Quatre années que nous avons passées à rêver les contours de ce grand voyage, à lister des noms exotiques qui réveillent nos esprits voyageurs, à parcourir les photos que d’autres ont prises avant nous, à faire tourner la mappemonde, le doigt tendu, les yeux mi-clos, espérant que notre index alors tout puissant freine le globe au niveau d’une petite île du Pacifique, et ouvre grand la porte de notre imaginaire. Certains récits de voyageurs aux long cours laissent entendre que la préparation d’un voyage procure au moins autant, sinon plus, de bonheur que le voyage lui-même. Car il y a cela de beau avec les rêves qu’ils ne connaissent pas de limites.

Lorsque l’on rouvre les yeux, on réalise que la liste est trop longue, que nos rêves sont trop grands pour nous, alors on rature, on discute, on se lance dans des compte d’apothicaires et des négociations aussi interminables qu’insensées : « Tant pis pour le Japon, mais alors on va en Arménie », on se pose des questions improbables : « Combien de temps peut-on tenir par -20°C ? ».

Et puis soudain, ça y est, on le tient, notre itinéraire ! Après des mois de tergiversations, j’attrape une grande carte du monde et trace fébrilement au crayon ce qui sera notre feuille de route pour douze mois. Cap plein Est, à travers l’Europe de l’Est d’abord, puis les plaines glacées de Sibérie, avec en ligne de mire Pékin, le point le plus oriental de notre voyage. Nous parcourrons ensuite la Chine continentale jusqu’à la Birmanie, avant de traverser l'Inde pour rejoindre l’Asie Centrale. Dernier sursaut vers le Sud, par l’Iran et la Turquie, avant de retrouver notre veille Europe par les Balkans. Pas de billet retour, pas de réservation, pas de point de chute. Nous partirons avec pour seule feuille de route notre hypothétique itinéraire tracé à la lumière de nos envies d’ailleurs.

Vient alors le temps des préparatifs, avec une longue série de défis à relever :

  • réaliser une boucle de près de 60,000km en moins de douze mois sans jamais prendre l’avion, impliquant de traverser des zones frontalières à l’accès réglementé,
  • voyager léger tout en étant équipé pour les températures les plus extrêmes (de -30°C au bord du lac Baikal en Sibérie au mois de Janvier à plus de 40°C dans le désert de Yazd en Iran au mois d’Août),
  • allier confort et technicité sans sacrifier son amour propre.

Une véritable chasse au trésor débute alors, nous propulsant d’un magasin de sport à l’autre, guidés par des indications glanées sur d’improbables forums de férus de la ‘marche ultra-légère’ («Comment j’ai voyagé 24 mois avec un sac de 2,7kg ») et les recommandations de tatie Jacqueline (« Rien ne vaut un bon Damart »). Il y eut certes quelques caprices, comme lorsque Cédric avait décrété qu’il traverserait la Sibérie et gravirait l’Everest avec ses plus fidèles compagnons, sa paire de running. Il y eut aussi une poignée de crises de nerfs, car la quête de l’équipement parfait en mène plus d’un à perdre la raison. Comme ce jour où j’ai cru trouver le Saint Graal en découvrant un accessoire qui porte un nom non moins suspect que ‘Le Savon Magique du Docteur Bronner’, et qui promet 11 usages, dont lavant pour le corps, shampoing, dentifrice, lessive, liquide vaisselle, déodorant, mousse à raser, et d’autres encore dont je ne saurais me souvenir. Mon état d’hystérie lorsque j’ai découvert ce produit miracle était tel que l'unique question qui m’a alors semblée pertinente était : quel parfum choisir – eucalyptus semble la seule possibilité pour un dentifrice, mais mes aisselles devront aussi sentir la menthe. A aucun moment je n’ai remis en cause l’effet qu’il pourrait avoir sur ma peau en proie à l’eczéma, mes cheveux tendance racines-grasses-pointes-sèches, et les poils de barbe de Cédric, certes rares, mais rebelles et sensibles.

A quelques jours du grand départ, prévu pour le 1er Décembre 2015, nous étions fin prêts, nos sacs bouclés, avec chacun en poche deux savons du Dr Bronner (je réaliserai seulement plus tard mon erreur). Alors sont arrivés les doutes et les craintes. Etre propulsé à des milliers de kilomètres de chez soi, loin de nos petits arrangements familiers. Renoncer au quotidien, cette musique douce qui nous accompagne chaque jour, jusqu’à nous donner la migraine, mais qui vient à nous manquer sitôt le silence fait. Devenir étrangers partout où l’on va et se retrouver face à l’autre, sans repère, dans tout ce que cela a de grisant et d’angoissant. Se demander si l’on partage les mêmes rêves, les mêmes espoirs et les mêmes peurs.

Nous le saurons bien assez vite.

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Himjyoti
Le 30 septembre 2016
This is not just a world tour, but a journey full of adventure, enthusiasm & courage. You two inspire us all. Best Wishes! I am starting to read this epic journey. :)
Le 15 janvier 2024

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goeast@mimiandrima.com