Où la communication devint difficile

Chine - Février 2016

Nous partons ici à la découverte des célèbres rizières du comté de Longsheng. Une région où les plantations de riz en terrasse à perte de vue, ponctuées de petits villages aux maisons de bois, offrent un spectacle éblouissant. Une expérience inoubliable, désormais bien loin des mégalopoles chinoises tentaculaires et ultra-modernes, et où l’on peine de plus en plus à se faire comprendre.

Au départ de Yangshuo, nous arrivons à la nuit tombée au pied des collines couvertes de rizières de Longsheng, surnommées « l’épine dorsale du dragon ». Lampes au front, nous grimpons péniblement d’interminables volées d’escaliers irréguliers, avant de s’effondrer sur le lit de notre chambre de Tiantouzhai, petit village perché sur les hauteurs.

Des collines s’étalent autour de nous à perte de vue, et les rizières en terrasse modèlent les pentes, les transformant en d’immenses et magnifiques escaliers.

Lorsque nous tirons les rideaux de notre grande fenêtre au petit matin, nous découvrons un paysage splendide, qui ne ressemble à rien de ce que j’ai pu voir jusqu’alors. Des collines s’étalent autour de nous à perte de vue, et les rizières en terrasse modèlent les pentes, les transformant en d’immenses et magnifiques escaliers. Si l’on suit des yeux l’une des terrasses, elle ressemble à un grand ruban déroulé le long des collines. En cette fin d’hiver, le paysage brûlé par la neige qui l’a recouvert plusieurs mois durant a pris une teinte jaune, presque dorée. Je m’égare à imaginer ce paysage au printemps, lorsque les terrasses inondées par la pluie reflètent les couleurs éclatantes du ciel et de la terre.

Nous passons la journée à arpenter les collines. Les plateformes d’observation essaimées au fil des pentes portent des noms poétiques : neuf dragons et cinq tigres, sept étoiles autour de la lune. Face à l’immensité, c’est incroyable de se dire que chaque tige de riz a été plantée à la main, suivant une technique ancestrale vieille de plusieurs siècles. De loin, nous apercevons, tout petit, un homme penché sur les plants de riz, et un groupe de buffles en train de paitre les pattes plantées dans le sol humide.

Nous traversons aussi avec curiosité les villages aux maisons de bois sur pilotis. La région est habitée depuis des siècles par les ethnies Zhuang et Yao, qui se distinguent par leurs tenues uniques. Traditionnellement, les femmes Yao ne se coupent jamais les cheveux, et leur coiffure est déterminée par leur statut matrimonial : les célibataires cachent leur longue chevelure sous un foulard noué sur le haut de leur tête ; si elles portent leurs cheveux enroulés autour de leur crâne tel un turban, c’est qu’elles sont mariées et sans enfant ; si elles les portent en chignon sur le devant du front, elles ont un ou plusieurs enfants. Vêtues de tenues fushia ornées de broderies, elles semblent tout droit sorties d’un livre d’images.

Après cette escale inoubliable, nous continuons à nous enfoncer toujours un peu plus dans la Chine rurale. Peu à peu, nous sentons que nous nous éloignons des sentiers battus, et la communication se fait de plus en plus difficile. Lors de nos tentatives quotidiennes d’échange avec les locaux, pour prendre un bus, commander un bol de nouilles ou s’enquérir sur le prix d’une chambre d’hôtel, un vaste répertoire de réactions s’offre à nous.

Première option : la technique de l’autruche. Notre interlocuteur, seul à la réception de son petit hôtel, essaie de se convaincre que ce n’est pas à lui qu’on parle. Selon les cas de figure, il se fige sur place et fait le mort en espérant que cela nous décourage, ou bien il jette autour de lui autour de lui des regards furtifs qui semblent hurler à l’aide. Tétanisé par notre présence accablante, il n’est pas en mesure de réfléchir de manière rationnelle.

Deuxième option : la diversion. Dans ce cas de figure, l’interlocuteur (ou plus souvent interlocutrice), entouré d’un ou plusieurs de ses congénères, est frappé par une crise de gloussements incontrôlable qui restreint là encore toute possibilité de comportement civilisé.

Troisième option: l’incompréhension. Et par incompréhension, je ne veux pas seulement dire que l’interlocuteur ne nous comprend pas, mais il ne comprend pas qu’on ne comprend pas. Nuance de taille. En pratique, cela signifie qu’il s’obstine à nous parler en Chinois, de plus en plus fort ou de plus en plus lentement, voire les deux (ce qui n’est pas si évident qu’on l’imagine, je vous mets au défi d’essayer). Lorsqu’enfin il voit à notre mine défaite que ses onomatopées ne produisent pas de sens dans nos cerveaux francophones, son regard s’éclaire soudain, il part en courant et revient avec un papier et un crayon pour écrire en idéogrammes. Et là, autant vous dire que lorsqu’il se rend compte qu’en plus de ne rien comprendre, on ne sait pas lire, la déception, le mépris et le dépit se mêlent dans sa tête et dans son cœur. Dans les cas les plus extrêmes, nous nous sommes retrouvés entourés de huit policiers en train d’essayer de lire notre passeport à l’envers, ou de déchiffrer notre visa russe.

En général, au bout de cinq minutes ou de quatre heures, la situation finit par se dénouer, par le biais de l’usage de l’un des jokers suivant : appel à un ami (plus ou moins anglophone), dessinez-c’est-gagné (pas facile de dessiner du riz), mimes, ou, dans le meilleur des cas, traducteur en ligne (qui offre parfois des résultats étonnants).

Une leçon de sang-froid, de persévérance, et d’humour aussi.

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